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Gondoles à Venise,
haut lieu touristique

 

TOURISTE

Nom masculin ou féminin, cela dépend, il faudrait avoir plus de précision. En cas de doute, dire " bonjour m'sieurs dames ".

Le touriste est un être déroutant.

Pour preuve, voici quelques extraits du journal intime de l'un d'eux. Suivons donc les aventures de ce touriste typique et constatons de nous même de quoi qu'est-ce donc qu'il en retourne.

***

Mercredi 12 avril : Ce soir, en sortant du bureau, j'ai acheté le guide vert sur l'Italie édité par Michemin, et avec lequel, paraît-il, la moitié du chemin est fait... Je l'ai feuilleté ce soir, et, rien qu'à tourner les pages, j'ai senti sur mon visage la brise légère d'un vent venu du Sud, un vent aux arômes capiteux et pénétrants : le grand vent de l'Aventure ! Plus que Encore trois longs mois avant le départ. Je piaffe !

Samedi 7 Mai : J'ai enfin réussi à convaincre Simone. Ce ne fut pas sans mal, mais c'est gagné : elle nous prépare désormais un soir sur deux un plat de spaghetti. Comme disait mon pauvre père, les voyages réussis sont les voyages préparés... Pour ma part, j'ai décidé de lire chaque soir avant de m'endormir trois pages de la biographie (excellente ! ) de Michel Platini.

Jeudi 13 Juillet : Enfin, l'heureux jour du départ est arrivé. Ce matin, l'air vrombissait de mille promesses. Comme tous les matins, j'ai dit à mon épouse "En voiture Simone !" et miracle ! Simone ne s'est pas fâchée... Je pense que, comme moi, elle avait le cœur léger. Après une route agréable mais sans histoire, nous passâmes la frontière à 13 h 07 09 et filâmes vers Pise, traversant les riants paysages de la Riviera du Ponant et ceux moins ensoleillés ?! (d'après Michemin) de la Riviéra du Levant. Mais, manque de chance, il a fait beau tout le temps. Nous arrivâmes à Pise à la nuit, fourbus mais contents, et choisissâmes avons arrêté notre choix sur un petit hôtel conseillé par le guide : "l'hostalo della torre tordata" . Il a l'air bien, quoique la patronne parle avec un fort accent étranger.

Vendredi 14 juillet : Aujourd'hui fête nationale. Ça n'a pas eut l'air d'intéresser outre mesure les Piséens (ou Pissois ?). Aussi nous sommes repartis à travers les collines aux courbes harmonieuses et nettes de la Toscane. Après une bonne heure de route, nous nous sommes aperçu que nous avions oublié de visiter la fameuse tour penchée. Que faire ? Par cette faute d'étourderie, tout notre programme risquait d'être chamboulé : retourner à Pise : 1 heure, visite de la tour environ 1 heure, peut être 45 minutes en activant un peu, puis retour ici : 1 heure, soit 2 heures 45 au minimum, sans compter l'essence, la fatigue et les arrêts pipi ! Simone a dit que ce n'était pas grave de rater ça, je n'étais pas de son avis mais bon, ce n'est pas si catastrophique. En vacances, il faut prendre les choses du bon côté, ne pas se fâcher pour si peu. La tour de Pise, c'est très commun paraît-il... Bon, tant pise. Du coup, comme nous avions une heure d'avance sur notre horaire, nous nous sommes arrêtés sur un banc, dans un endroit charmant où j'ai eu le loisir d'étudier le guide Michemin pour éviter tout nouvel impair. Simone en a profité pour finir ses mots croisés. Pour ma part, j'ai appris qu'en Toscane, "sous la lumière pure, les forêts et les vignobles s'allient à la sérénité des cyprès et des pins pour faire de ce pays un temple de la beauté". Je confirme, mais ils ont oublié de mentionner les tracteurs qui pétaradent bruyamment. J'ai appris aussi que "par une alchimie mystérieuse, cette harmonie donne au peuple un sens artistique et un instinct de la liberté poussé à un très haut degré". Et bien, ils ne croient pas si bien dire ! Cet après-midi, nous avons crevé sur ces " routes " (par moment infâmes). Pour tout garagiste, nous n'avons trouvé qu'un autochtone qui faisait la sieste dans une baraque recouverte de tôles ondulées, très pittoresque selon Simone. Avons attendu que le type finisse sa sieste. La réparation nous a coûté 50.000 lires. D'après les calculs effectués dans la voiture par Simone, sitôt repartis, ce n'est pas donné. Enfin, oublions nos déboires de la journée, car ce soir nous sommes à Florence. Florence ! "... ville divine idéalisée par une lumière diaphane et ambrée", et dont nous avons eu tout le loisir d'admirer les abords dans un gigantesque embouteillage. Nous y avons trouvé un hôtel accueillant et assez correct, quoiqu'un peu cher. Après le dîner, nous avons déambulé pédestrement pour observer "les scènes familières de la rue où le peuple jouit de l'intimité constante des chefs-d'œuvre sans pour autant perdre de son naturel".

Samedi 15 juillet : Après le petit déjeuner, Simone et moi faisons un briefing approfondi. Simone souhaite rester au moins trois jours entiers à Florence, arguant qu'il s'agit d'une ville d'art de premier plan. Sur ce plan, je suis d'accord avec elle, mais je lui fais remarquer que l'hôtel est un peu cher. "Nous pouvons en trouver un autre" me rétorque-t-elle. "Peut-être, lui réponds-je, mais aucun n'est meilleur marché". Quand je lui apprends qu'il manque déjà le rétroviseur gauche de la voiture, elle se range à mon avis : nous visiterons le plus possible de choses dans la journée, et partirons en début de soirée pour dormir plus au sud. Nous nous sommes gavés les yeux de choses absolument admirables : place du Dôme, place de la Seigneurie, musée des Offices, Ponte Vecchio, fabrique de raviolis riches. Tout était superbe, mais comme le dit justement Simone : "c'est pas tous les jours qu'on ferait ça !" Puis, nous avons roulé dix heures non-stop et sommes arrivés en fin de nuit au fond du golfe de Naples. Là, nous avons pu dormir deux petites heures dans la voiture garée en crabe sur un parking gratuit.

Dimanche 16 juillet : Dommage, nous avons raté "la lumière admirable qui baigne le golfe de Naples". A mon avis, nous nous sommes réveillés 1/4 d'heure trop tard. Mais c'est vrai que, honnêtement, ce golfe jouit d'une réputation réputée. (je recopie maintenant le guide car ce soir, je suis crevé shlass n'ai plus d'inspiration) : "Les caps, les criques, les sommets sont autant d'invitations aux promenades inoubliables, face à la baie majestueuse qu'emplit une mer d'un bleu soutenu. La présence au loin du Vésuve accentue la célébrité de ces lieux privilégiés qui inspirèrent autrefois Homerde Homère et Virgile".
A bien y réfléchir, nous n'avons peut-être pas apprécié à sa juste valeur la beauté du site.
A notre décharge, nous avons depuis hier une regrettable constipation. Mais, heureusement, j'avais l'appareil. J'ai pris quelques diapos qui j'espère seront réussies. Quand nous les projetterons à la maison, nous nous rendrons mieux compte de l'émotion qui aurait du nous étreindre aujourd'hui devant ces paysages. Au briefing de dix-sept heures, nous avons pris la ferme résolution d'éviter pendant quelques jours le diabolique tandem pizza-spaghetti. Ce soir, nous nous sommes rabattus sur Sorrente, dans une pension de famille tenue par des Napolitains de père en fils. Ils sont petits, bruns, ténébreux, et parlent un italien chantant très typique. Malheureusement, ce à quoi nous n'avions pas pensé, c'est que les pizzas et les spaghetti, originaires de la région, sont la fierté des gens d'ici. Nous réussîmes pourtant l'exploit de dîner sobrement d'une soupe de poissons et d'une ratatouille, malgré les regards désapprobateurs de toute la famille. Le père, c'était le grand-pire Le pire, c'était le grand-père installé près de la cheminée, les deux mains croisées sur sa canne ferrée. Il est resté immobile à nous regarder tout le temps du repas, troublant de loin en loin le silence pesant en soufflant dans ses moustaches.

Lundi 17 juillet : Ce matin, nous étions frais et soulagés : rien de tel qu'une bonne nuit !
Nous sommes joyeusement partis visiter la maison où un cousin de Platini aurait séjourné. Malgré plusieurs demandes insistantes auprès du guide, nous n'avons pas pu connaître avec certitude l'année exacte dudit séjour, même en donnant un pourboire relativement conséquent. Puis nous avons pris la route des Abruzzes qui traverse des sites montagnards enchanteurs, derrière un semi-remorque dégageant une épaisse fumée " pittoresque " comme me l'a rabâché Simone. Enfin, nous arrivâmes voilà au bord de l'Adriatique, traversant des vallées coupe-gorge plongeantes dans la mer. Là, "des paysans pieux et travailleurs" s'emploient à justifier leur réputation en labourant des champs en chantant des cantiques. On en entend même depuis la chambre de l'hôtel. J'espère qu'ils se couchent tôt...

Mardi 18 juillet : Dommage, nos vacances sentent déjà la fin. Mais il nous reste heureusement un gros morceau : Venise ! "Venise l'éternelle, la magique, la secrète" qui nécessite à elle seule pas moins de huit pages de descriptions détaillées dans le guide Michemin. C'est dire ! Aujourd'hui, journée plage et farniente pour prendre des forces avant l'apothéose finale.

Mercredi 19 juillet : Journée à Venise. Le bilan est contrasté. Certes, nous avons été frappés par "le mariage de la ville et de l'eau, et les sortilèges de la lumière pure tamisée par l'air marin". Nous avons aussi été sensibles à "la confrontation artistique entre l'Orient et l'Occident par chefs-d'œuvre interposés". Mais la propreté approximative des toilettes publiques nous a quelques peu désappointés. Aussi avons-nous commandé une limonade à la terrasse du célèbre café Florian. Cela nous est revenu à 1.200 lires, ce qui est un peu exagéré, mais nous a permis de profiter de lieux d'aisance plus corrects. Ensuite, vint le moment tant attendu de la promenade en gondole. Le gondolier, vêtu d'une marinière très chou et d'un chapeau de paille à ruban de couleur, susurrait "gondola, gondola..." en zézayant légèrement, ce qui ne manquait pas de charme. Il faisait glisser son esquif le long des canaux à l'aide de sa seule rame sur ces eaux célèbres mais néanmoins aussi liquides qu'ailleurs. C'est au débarcadère que je me suis souvenu avec amertume avoir lu quelque part, peut-être sur le guide Michemin, qu'il fallait convenir à l'avance du prix de la course. Simone m'a consolé comme elle a pu : "Allons, c'est pas tous les jours qu'on fait ça !", phrase qu'elle a répété vingt minutes plus tard dans le hall du splendide hôtel où nous sommes actuellement installés.

Jeudi 20 Juillet : Après une nuit romantique, ragaillardis et frétillants, nous avons visité le fameux marché des pamplemousses, puis un pittoresque musée retraçant l'histoire des boîtes de sardines, le petit atelier d'un authentique raccommodeur d'espadrilles basques et pour finir la chapelle Ste Maxime où, paraît-il, les grands-parents de Platini se seraient fiancés. Aussi, n'avons-nous pas eu le temps de visiter la place St Marc, la basilique, le palais des Doges ni le grand canal et ses 200 palais de marbre (sur ce dernier point, je soupçonne fortement notre gondolier d'hier d'avoir court-circuité l'itinéraire pour faire plus de rotations). Quel dommage, tant pis ! Nous avons vu l'essentiel. Et puis, nous reviendrons un jour, je l'ai promis à Simone, "écouter la petite musique des rues, rêver, et contempler les murs roses du palais des Doges flambants sous les rayons du soleil couchant tandis que des pigeons déguingandés virevolteront suavement dans l'air doux d'un soir d'Avril". Cette douce vision d'avenir nous a permis de quitter Venise sans trop de regrets. Le cœur léger, nous avons pris la bretelle de l'autoroute Trieste-Turin et nous nous sommes arrêtés à un Mac-Do situé 14 Km avant Turin. Ça sent la France, ça fait tout drôle !

 

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