Sommaire Bébert

Les ravages de l'obnubilation
chez Georges W Bush

 

OBNUBILATION

Nom féminin

Fixation de l'esprit.

Obnubilation est un dérivé d'obnubiler, verbe venant du latin obnubilare signifiant " couvrir de nuages " (véridique). De nos jours, le verbe s'emploie surtout au sens figuré. Même au Tréport, les vieux snobs désœuvrés disent de moins en moins souvent : " Tiens, le ciel s'obnubile au-dessus de la plage ". Il est en effet fort désuet d'utiliser ce verbe au sens littéral sur le littoral.

L'obnubilation s'attaque aux cerveaux fragiles. Utilisant avec malignité la fatigue ou les angoisses du sujet contaminé, elle attire l'attention de son esprit sur une idée-concept-objet d'apparence bénigne mais qui se cristallise peu à peu dans sa conscience. Dès lors, le piège se referme. Le pauvre quidam qui se rebiffe en essayant de penser à autre chose qu'à cette idée-concept-objet qui se cristallise verra rapidement son esprit englué à nouveau dans cette idée-concept-objet qui se cristallise. Une fois sa perfide toile d'araignée tissée, l'obnubilation cherche sournoisement à neutraliser toute idée nouvelle qui a tendance à s'écarter de cette idée-concept-objet qui se cristallise. Dans les cas les plus graves, le sujet est contraint de fixer son attention de manière quasi-exclusive sur cette idée-concept-objet qui se cristallise. En se sens que l'obnubilation n'est pas foncièrement rigolote, on peut dire qu'elle est pathologique, étant donné qu'elle ramène toujours à la même idée-concept-objet qui se cristallise.

L'obnubilation est répétitive. Ses manifestations sont souvent prévisibles par l'entourage du sujet obnubilé. Par imprégnation subtile et accoutumance atmosphérique, l'obnubilation est très contagieuse. Quand ils tentent de s'opposer à l'idée fixe d'un de leur proche, de nombreux individus développent une contre-obnubilation qui se révèle tout aussi dangereuse que l'originale. L'histoire qui suit en est un témoignage édifiant : Edouard Mouchabœuf est obnubilé par les Arabes. L'origine de cette fixation névrotique est indéterminée, mais son cas, bien que très curieux, ne semblerait pas si rare que ça d'après les spécialistes. Son obnubilation se manifeste par l'émission via son orifice buccal de quelques phrases répétées à l'identique quand les circonstances lui semblent favorables :
- " Les Arabes prennent le travail de tous les Français de souche angevine "
- " Les Arabes ne prennent pas de douche pendant le ramadan "
- " Qui a des genoux pointus ? Les Arabes (*)... "

Yvette Mouchabœuf, sa femme, n'a pas les mêmes opinions que son mari. Mais elle l'aime quand même car il a des bons côtés : par exemple, le gauche. Il réussit aussi très bien le tournedos à la sauce madère. Néanmoins, pour éviter que l'obnubilation du mari ne s'étende et vienne gâcher leurs douces heures conjugales, Madame s'interdit désormais de préparer du couscous, du taboulé ou même du mouton. Et même si ça finit par donner des boutons, tous les jours, elle fait du cochon. Elle sait décrypter chez son mari les moindres signes d'exaspération légère. Un frémissement de la narine, un raidissement imperceptible du cou, lui font redouter la venue d'une terrible crise de délire obsessionnel. En bonne cuisinière, Mme Mouchabœuf sait qu'il faut réduire les gaz sous la Cocotte-Minute quand la soupape rotate en faisant pshhhhhiii de plus en plus fort au point qu'on n'entend plus les blagues des " grosses têtes " à la radio.
- " Mon mari c'est pareil, pense-t-elle : il est sous pression. Si on augmente le débit du gaz, les flammes sont plus vives. Plus de flammes, plus de chaleur en augmentation constante dans la cocotte. Plus de chaleur en augmentation constante dans la cocotte, plus de pression qui s'accumule et qui risque de faire exploser la cocotte. Quelle horreur, ça projetterai de la soupe sur les murs et même au plafond. Voyons, où en étais-je ? se demande Mme Mouchabœuf. Et si je prenais plutôt la comparaison de l'essoreuse à salade ? Non, je n'ai plus le temps : Edouard rentre bientôt et il faut encore laver et éplucher les pommes de terre... Récapitulons... Le feu sous la cocotte correspond aux petites provocations journalières qui font bouillir mon époux trop sensible. C'est comme une allergie. Il faut couper le gaz, supprimer le pollen, et le calme reviendra... "

En présence de son mari, Mme Mouchabœuf surveille donc son langage : elle évite soigneusement tous les mots ou allusions ayant un quelconque rapport avec le monde arabe ou musulman. Ni elle, ni Monsieur ne saisissent d'ailleurs clairement la différence entre ces deux termes. Abonnée à " Découvertes d'ici " et " Psychologies périgourdines " qu'elle a la chance de recevoir dans la boîte aux lettres quand son Edouard est encore au travail, Madame découpe minutieusement les articles et photos à contenus sensibles, cibles susceptibles d'irascibles éclats. Par exemple un reportage sur la vie des touaregs, une publicité vantant la Tunisie ou la recette du lapin aux dattes. Elle brûle tout cela dans la cheminée ou le cache dans une boîte de conserve vide qu'elle aplatit ensuite avec un marteau et met tout au fond de la poubelle. Mais, se faisant, Mme Mouchabœuf place Monsieur en état de manque car l'obnubilation est une drogue. Elle oblige le pauvre homme à traquer sans cesse dans les détails les plus élémentaires de la vie quotidienne le carburant qui alimente son fantasme obnubilatoire. Jusqu'au jour où Mme Mouchabœuf est obligée d'effacer au blanco les numéros des pages de tous les livres de la bibliothèque pour les remplacer par des chiffres latins ! On mesure ainsi le mécanisme pervers et contagieux de l'obnubilation : Mme Mouchabœuf, dans la louable intention d'arracher son mari d'une obsession maladive, développe à son tour une obnubilation aussi grave, sinon plus, que l'originale.

Et, quand Alexandrine Mouchabœuf, rebaptisée Edwige quinze jours après sa naissance, entreprend de guérir radicalement ses parents en leur annonçant qu'elle va se fiancer avec un certain Ahmed Mustaffa, elle ne réalise pas à quel degré d'apoplexie elle plonge ses braves géniteurs.
- " Ben quoi, Mustaffa c'est aussi joli que Mouchabœuf non ? "
Et, pour taquiner ses parents qui restent bouche bée, pétrifiés, Edwige en rajoute une louche :
- " C'est un garçon adorable qui fait des études pour être ingénieur. De sa bouche sensuelle, il me parle des trésors subtils de sa culture et de la beauté des z'arts z'arabes. Leur civilisation nous a souvent devancé dans l'histoire. On leur doit les chiffres, les chevaux pur-sang, les terres labourables. Et en philosophie musulmane, ce sont les meilleurs. "
Edwige provoque un peu bien sûr, mais elle ne le fait pas méchamment. Elle a l'esprit espiègle propre aux jeunes filles et la foi juvénile qui lui fait croire qu'on peut changer le monde avec des idées. Méfie-toi, naïve enfant ! As-tu réellement pris la mesure de ton adversaire ? Dans ton combat contre l'obnubilation insidieuse qui mine tes parents, te rends-tu compte qu'il te faut infiniment de temps et de patience pour triompher. Prends garde de n'être contaminée à ton tour par l'obnubilation ! La plus sournoise étant l'idée fixe de convaincre ton père de porter la djellaba, même si c'est plus seyant pour aller à la plage. De toute façon, aller à la plage est devenu inutile, le ciel s'y obnubile.

En conclusion, nous insisterons une dernière fois sur le danger potentiel de l'obnubilation, même banale. Par son patient travail de sape et les multiples ramifications qu'elle engendre dans l'entourage, l'obnubilation peut, si l'on n'y prend garde, faire écrouler des pans entiers de la structure psychique collective d'une famille, d'un groupe ou d'une nation. Qui sait si la troisième guerre mondiale n'aura pour origine un type obnubilé par un dé à coudre mal usiné. Cette pensée affreuse nous obsédant chaque jour davantage, l'équipe de la rédaction a décidé à l'unanimité de s'accorder un jour de congé. Pour en profiter au mieux, nous partirons à la plage dès que le ciel sera désobnubilé.

 

 

* N.d.l.r. : Il va de soi que nous ne partageons absolument pas ce genre de délires. A ce qu'il paraît, ceux-ci sont colportés par des individus issus de croisements honteux et impensables entre Alsaciens et Basques. A moins que ce ne soit entre Berrichons et Bretons. (retour)

Page suivanteRetour au sommairePage précédente